Vendredi 26 Septembre 2025
Le portrait de la semaine : Emmanuel Faber
En relisant 2040 : 5 futurs possibles, un de mes livres préférés de l’année écoulée, je me suis demandé qui pouvait jouer un rôle clé dans la construction du monde de demain.
Il est toujours tentant de dresser des portraits-robots. Dans le monde de l’entreprise, celui du patron d’une entreprise multinationale est simple : un homme en costume gris, obsédé par les résultats trimestriels, qui ne parle que de parts de marché et de croissance et s’en fiche du long terme. Un gestionnaire froid, rationnel, qui ne se mêle jamais de justice sociale ni de climat, et qui laisse ces sujets aux ONG.
Ce portrait-robot se propage dans l’imaginaire collectif : beaucoup d’investisseurs considèrent encore qu’un patron n’est “bon” que s’il est capable d’augmenter la rentabilité à court terme. Et à force de répéter ce cliché, on finit par croire qu’il est impossible, à la tête d’une multinationale, d’agir pour autre chose que l’argent.
Mais les portraits-robots sont dangereux… Il existe des personnes qui remettent le système en question et veulent faire les choses autrement.
Quand je regarde ce qui les anime, je retrouve des motivations assez similaires à celles des créateurs et créatrices d’entreprise au budget très limité : la passion pour un sujet, l’envie d’y passer des heures pour comprendre certains problèmes et trouver des solutions.
Je suis ravi de tirer aujourd’hui le portrait d’Emmanuel Faber, ancien dirigeant de Danone, viré brutalement de son poste en 2021.
La mission avant tout
Né en 1964 à Grenoble, diplômé d’HEC, Emmanuel Faber aurait pu suivre un parcours classique de grand patron. Après des débuts dans le conseil et la finance, il rejoint Danone en 1997 et y grimpe progressivement tous les échelons. En 2014, il devient directeur général, puis PDG en 2017.
Il multiplie les changements en accélérant le virage vers les produits végétaux, en adoptant le statut d’entreprise à mission et en mettant en place des indicateurs financiers intégrant l’impact carbone. Dans ses discours, il répète que la performance économique n’a aucun sens si elle détruit la planète ou néglige les salariés. Tout n’est pas parfait bien sûr, mais c’est impossible de tout maîtriser quand on dirige un groupe de cette taille.
Il incarne aussi les valeurs proposées au groupe. En 2019, il annonce publiquement qu’il renonce à sa retraite complémentaire de dirigeant. De quoi s’agit-il ? Dans de nombreuses grandes entreprises, les patrons bénéficient, en plus de leur retraite classique, d’un régime spécial appelé “retraite chapeau” : une rente annuelle très confortable, financée par l’entreprise, qui vient s’ajouter à leurs pensions habituelles.
Dans le cas de Faber, cette rente aurait pu représenter environ 1,2 million d’euros par an une fois à la retraite, soit près de vingt millions en tout. Il décide de l’abandonner et de ne conserver que le régime standard des salariés.
Il est agréable d’imaginer un monde où tous les dirigeants de multinationales feraient de même pour réduire la distance entre eux et les milliers de salariés en-dessous… Faber a aussi donné sa maison de famille à une association de réinsertion, roule en Clio et prône l’actionnariat salarié.
En mars 2021, sous la pression d’actionnaires impatients, Emmanuel Faber est évincé du groupe. C’est triste !
Il continue néanmoins d’être actif. Il a rejoint un fonds d’investissement qui finance des startups dans l’agriculture durable et a pris la présidence de l’International Sustainability Standards Board (ISSB), l’organisme mondial chargé de créer des normes de reporting sur la durabilité pour toutes les entreprises.
Le partage d’Emmanuel Faber : changer les règles du jeu
Si je dois retenir une chose du parcours d’Emmanuel Faber, c’est qu’on gagne toujours à chercher à faire avec les autres et à modifier les règles du jeu. On peut dire de Faber qu’il est “dans le système”, oui. Mais au sein de ce système, il propose des modifications.
Les entrepreneurs qui passent dans les formations LiveMentor veulent créer de la valeur économique (et vivre de leur projet !) et de la valeur sociale (avoir un impact, aider les autres, etc.). L’économiste Michael Porter a bien expliqué que ces deux formes de valeur ne sont pas contradictoires, elles s’alimentent mutuellement.
De nombreuses expériences récentes illustrent cette idée : Patagonia, par exemple, a bâti sa croissance en faisant de l’écologie son ADN ; Interface, leader mondial de la moquette, a transformé son modèle industriel pour viser un impact positif sur l’environnement ; etc.
J’espère que ce portrait vous a plu ! Pour mieux découvrir Emmanuel Faber, vous pouvez consulter son fameux discours, écouter son interview sur le podcast Gdiy ou encore lire son livre Ouvrir une voie.
Beau week-end et belles lectures,
Alexandre Dana
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