Vendredi 21 Juin 2024
Le livre de la semaine : Les inattendus
“Tout le monde est un génie, mais si l’on juge un poisson sur son aptitude à grimper un arbre, il vivra toute sa vie en se croyant stupide”, écrivait Albert Einstein repris par l’autrice du livre de ce vendredi qui ajoute “les talents sont multiples et variés comme les réussites sont subjectives et diverses”.
Dans le dernier épisode du Vendredi des Possibles, je vous parlais justement de mon rapport complexe à la réussite.
Il m’a fallu plusieurs années pour me détacher d’une vision qui ne m’appartenait pas, la réussite selon les codes de la startup nation consistant à lever des dizaines de millions d’euros, à partir à l’international, à vivre l’aventure racontée dans le film The Social Network sur l’histoire de Facebook.
J’étais fier lors de la dernière levée de fonds de LiveMentor de diffuser un message différent à l’antenne de BFM : 11 millions d’euros, et alors ?
Via ma newsletter Boussole, via notre magazine Odyssées, via les exemples donnés dans nos formations, je suis aussi très soucieux de communiquer une immense variété de récits de réussite. Cela compte tellement !
La réussite dépend de notre contexte de vie, de nos décisions, engagements et rencontres. Et quand on ne vient pas d’une famille d’entrepreneurs, le coût émotionnel du déracinement est réel. Si j’insiste autant sur la puissance des mentors virtuels et des rencontres, c’est parce que j’ai souffert pendant des années d’être une sorte de vilain petit canard.
Je ne viens pas d’une famille d’entrepreneurs. Ma maman était trapéziste dans différents cirques. Mon père est psychiatre et psychanalyste. Quand j’ai commencé à entreprendre, je n’avais personne avec qui discuter de ma vision, de mon chiffre d’affaires, de ma stratégie, bref des enjeux d’un entrepreneur ! Ma maman, très inquiète, imprimait des offres d’emploi de l’Éducation Nationale pour devenir enseignant et les mettait sous mon oreiller, espérant que j’arrête d’entreprendre... J’en souris aujourd’hui, c’était mignon. Je suis devenu entrepreneur par hasard.
Et il y a des parcours bien plus inattendus que le mien !
Dans son livre, N'Geur Sarr analyse le parcours de 32 personnalités remarquables qui ont rebattu les cartes d'une société inégalitaire et ont trouvé les moyens d'exceller dans des sphères où on ne les attendait pas. Le résultat se dévore en un week-end et donne envie de déjouer les pièges du système. Je suis ravi de vous présenter ce vendredi Les inattendus !
“Quand on veut, on peut”, ce n’est pas aussi simple !
Ce livre est une collection d’histoires, mais pour le comprendre, il me semble essentiel de partir d’une histoire en particulier, celle de l’autrice.
Les parents de N’Geur Sarr ont émigré du Sénégal pour venir en France. Son père a été ouvrier dans les transports puis est devenu indépendant en décrochant sa licence de taxi avant de redevenir salarié. Sa mère a entre autres fait du ménage dans des hôtels particuliers parisiens, avant d’être en arrêt pour maladie professionnelle.
Ses parents n’ont pas fréquenté l’école française, mais ont insisté sur la notion d’efforts dès son plus jeune âge. N’Geur intègre une des trois meilleures écoles de commerce de France et découvre que sur les 380 élèves de sa promo, une dizaine à peine sont issus de minorités ethniques. Elle fait partie des 5 % d’enfants d’ouvriers à intégrer les 10 % d’écoles les plus sélectives.
Elle découvre alors que la société française n’est pas si méritocratique que ça.
Le livre démarre en rappelant des statistiques glaçantes :
- Les jeunes issus des milieux ouvriers, âgés de 18 à 23 ans, représentent environ 30 % de la population, mais ne constituent que 1 % des élèves à Polytechnique.
- Alors que les femmes représentent 52 % de la population française, seulement 18 % d’entre elles ont pu atteindre le poste le plus élevé parmi les 120 plus grandes entreprises.
Et je peux en ajouter d’autres, plus spécifiques à la création d’entreprise.
En 2023, seulement 33,5 % des entreprises en France sont créées par des femmes, et seulement 21,6 % sont dirigées exclusivement par des femmes (Forum de l'Entrepreneuriat). Les femmes rencontrent des obstacles significatifs, tels que l'accès limité aux financements. Par exemple, seulement 2 % des levées de fonds sont accordées à des projets dirigés par des femmes.
Comment expliquer alors que certaines personnes défient ces statistiques ?
La puissance du livre de N’Geur Sarr repose dans la détermination de l’autrice à ne pas céder à un discours simpliste. C’est plus compliqué que le classique “quand on veut, on peut”, cette religion de l’individu volontaire dont parle le sociologue Nicolas Marquis dont je mentionne les travaux dans Entreprendre et (surtout) être heureux.
Via l’analyse du parcours de 32 personnalités, le livre Les inattendus nous montre au contraire que chaque individu est le produit de son environnement et propose une construction plus collective de la réussite. Parmi les profils :
- des descendants d’immigrés
- des étrangers
- des femmes
- des personnes originaires de milieux ou de territoires défavorisés
- des porteurs de handicaps
- des personnes aux orientations sexuelles non hétéronormées
- etc.
Pas de contes simplistes ici !
Mon récit préféré du livre
Celui de Gaël Faye
Dur dur de choisir entre ces 32 récits, mais je prends celui de Gaël Faye, né au Burundi, exilé en France à 13 ans à cause du génocide à l’encontre des Tutsis au Burundi et au Rwanda.
Arrivé en France, il se réfugie dans l’écriture, qui devient très vite une passion dévorante. Il entre aussi dans l’univers de la musique, qui marque le début d’un grand succès artistique.
En 2016, Gaël Faye écrit son premier roman, Petit Pays, traduit en plus de quarante langues et adapté au cinéma.
Voici un extrait de son interview dans Les inattendus :
“ Qu’est-ce que la réussite selon toi ?
La réussite, c’est de vivre utile et de ne pas dilapider son temps de vie à des choses qui ne nous ont pas enrichis.
Qu’est-ce qui te fait lever du lit le matin ?
Je pense que c’est la peur de la mort. Dans nos sociétés, parler de mort c’est tabou, on a l’impression que ce n’est pas du tout positif. Mais moi, je crois au contraire que c’est très positif de se dire tous les matins qu’on est mortel, parce qu’à partir du moment où on se dit ça, on n’accepte plus qu’une journée s’évapore sans avoir rien fait de cette journée.
L’enseignement de ma vie, c’est d’avoir côtoyé la mort très tôt, de voir des jeunes mourir devant moi. Donc, très tôt, j’ai eu cette conscience-là de ne pas perdre mon temps et je pense que c’est un de mes grands moteurs.
Un mantra qui t’a accompagné pendant ta reconversion ?
J’aime répéter cette phrase de Jacques Brel qui dit : “Le monde sommeille par manque d’imprudence” et moi, je me sentais tellement prudent. La prudence est nécessaire, forcément, mais je suis d’accord que le monde sommeille aussi beaucoup à cause de ça. Il faut prendre plus de risques.
Aimé Césaire parle du “ronron de la bonne conscience”, cette façon d’être à feu doux dans la vie. Je pense que la vie doit être considérée comme une aventure. Et l’aventure, ce n’est pas forcément des choses exceptionnelles ou spectaculaires. L’aventure, ça doit être la capacité à se questionner.
Quelle place a la santé mentale dans le monde artistique ?
Il ne faut pas idéaliser ce monde, c’est un monde avec des contraintes terribles et des souffrances, et c’est d’autant plus difficile d’en parler car ce sont des métiers qui font rêver.
Quand les artistes disent : “Je suis en train de faire un burn-out parce que j’ai fait 200 concerts où des gens sont venus m’acclamer”, les gens se disent : “Attends, s’il te plaît, ne la ramène pas avec ça”. Mais on peut aussi craquer. Moi, tous les grands artistes que j’aimais sont des gens qui sont morts de la scène, qui ont fait des dépressions et des burn-out. Le terme burn-out n’existait pas encore mais tu entends Jacques Brel dans ses interviews, où il décide à 37 ans de tout arrêter, ce qu’il dit c’est qu’il est en burn-out, qu’il craque, quoi.
Un dernier conseil à partager ?
Trouvez un endroit où vous pouvez être intègre avec vous-même. Un endroit où vous ne mentez pas. Un endroit où vous n’essayez pas de vous travestir, de vous trouver des justifications. Comme le disent les gens qui pratiquent des sports de concentration, il faut être aligné avec soi-même, donc je me présente au monde tel que je suis. Si vous sentez que vous n’êtes pas tel que vous êtes à un moment T, commencez à vous dire qu’il est temps de changer.”
Vous pouvez commander Les inattendus sur la boutique en ligne d’Eyrolles, sur le site Place des Libraires en identifiant une librairie près de chez vous, ou sur les plateformes de vente en ligne (Fnac, Amazon).
Belle lecture et bon week-end,
Alexandre Dana
Chaque vendredi, un livre et un outil pour entreprendre
Ouvrez tous les possibles pour votre projet ! Dans cette newsletter, je vous partage les livres et outils qui inspirent ma vie d’entrepreneur. Et une fois par trimestre, j’invite quelques auteurs pour une conférence en ligne exceptionnelle.
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