Le portrait de la semaine : Alejandro Jodorowsky, l’entrepreneur-artiste inclassable

Mon rapport à la réussite fait étrangement écho à deux films.

Mon lancement dans l’entrepreneuriat, en 2010, a coïncidé avec la sortie du film The Social Network, sur l’histoire de Facebook – que je confesse avoir regardé à plusieurs reprises.

Certes, Mark Zuckerberg y apparaît comme un affreux jojo. Certes, il finit en procès face à son meilleur ami et associé. Certes, il semble touché par une solitude terrible tout au long de son parcours entrepreneurial. Et pourtant ! Ce film, malgré sa noirceur, a bel et bien influencé ma vision de la réussite durant les premières années de LiveMentor.

Longtemps, j’ai voulu croire dans ce récit de la startup qui se lance à l’international, qui ouvre des bureaux à New York (nous en avons aujourd’hui à Paris, Aix-en-Provence et Vannes, et c’est bien mieux !).

J’ai joué à ce jeu, j’ai postulé auprès d’accélérateurs de startups, qui avaient hébergé des entreprises comme Instagram à leurs débuts. J’ai présenté en anglais ma boîte, travaillé pendant beaucoup trop de soirées sur des présentations PowerPoint.

Et j’ai fini par comprendre, dans la douleur, qu’il était temps de construire les ingrédients de ma réussite personnelle en m’éloignant du diktat dominant de la startup nation. Je comprends aujourd’hui que ce chemin était nécessaire pour trouver ma voie.

C’est un autre film (plus précisément un documentaire) qui m’a beaucoup aidé à redéfinir ma vision de la réussite : Jodorowsky’s Dune réalisé par Frank Pavich.

Dans celui-ci, le réalisateur Alejandro Jodorowsky raconte son ambitieux projet d’adapter au cinéma le roman de science-fiction Dune avec une vision artistique très audacieuse (la musique devait être composée par Pink Floyd, et Mick Jagger et Salvador Dali étaient pressentis au casting).

Un projet qui n’a jamais vu le jour, Jodorowsky n’ayant pas réussi à récolter les 15 millions de dollars nécessaires.

Contre toute attente, j’ai vu en ce documentaire une nouvelle vision de la réussite : celle que l’on mesure à la créativité, et non au succès commercial ou à la reconnaissance publique.

J’ai été profondément touché par le dévouement et la passion de Jodorowsky, malgré l’échec apparent de son projet. Et ce que j’ai ressenti, j’aimerais le partager avec un plus grand nombre en vous présentant aujourd’hui l’incroyable parcours de cet entrepreneur inclassable !

Personne n’est plus autodidacte que lui

Quelle est la première qualité d’un entrepreneur ? Sa capacité à apprendre, sur plein de sujets différents et en permanence.

Cette philosophie est au cœur des formations LiveMentor et m’anime au quotidien. Chaque année, je me demande ce que j’ai envie d’apprendre et je libère du temps dans mon calendrier pour suivre des stages.

Quand j’ai besoin d’inspiration, je replonge dans le parcours de Jodorowsky.

L’une des premières choses qui frappent quand on s’intéresse à son parcours, c’est sa capacité à explorer des genres, des domaines, des styles, des formes, sans attendre d’y être convié ni se poser la question de sa légitimité.

En théâtre, cinéma, musique, dessin ou en thérapie, Jodorowsky est un parfait autodidacte. Il a toujours été à son compte, et a multiplié les projets sans jamais céder au syndrome de l’imposteur. Il s’est autorisé à être tout : poète, mime, clown, artiste, metteur en scène, réalisateur, thérapeute, tarologue, auteur de bande dessinée.

À plus de 90 ans, Alejandro Jodorowsky a aussi appris les codes des réseaux sociaux. Suivi par 400 000 personnes sur Instagram, il a développé une vraie belle relation avec ses fans au fil des années. Une relation qui lui a permis notamment de financer un documentaire sur la thérapie qu’il a inventée, Psychomagie, un art pour guérir. Plus de 10 000 abonnés ont soutenu le projet !

L’artiste-entrepreneur raconte bien sa stratégie :

“ Mes trois premiers films dans les années 1970 avaient été financés par des dons privés. Mais je n’ai pas pu continuer (à réunir cet argent), car avec le succès, les interdictions et les attaques ont commencé et j’ai été privé de mécènes. Je me suis dit que je ne pourrais pas travailler si je ne crée pas mon propre public pour qu’il puisse me financer. Cela m’a pris 20 ans. ”

Le partage d’Alejandro Jodorowsky : on peut marquer l’histoire avec un échec

Je mentionnais en introduction le documentaire Jodorowsky’s Dune réalisé par Frank Pavich qui a transformé mon rapport à la réussite. Voici l’histoire complète :

• En 1974, Jodorowsky veut tourner un film sur Dune, le classique de la science-fiction signé Frank Herbert.
• Avec le producteur français Michel Seydoux qui a un budget de 20 millions, Jodorowsky achète les droits du livre pour 5 000 dollars et réunit une équipe de folie : le scénariste et spécialiste des effets spéciaux Dan O'Bannon, le peintre suisse Hans Ruedi Giger, le dessinateur Christopher Foss, Jean Giraud/Mœbius, Pink Floyd et Magma à la musique, et à la distribution doivent se côtoyer Mick Jagger, Salvatore Dali, Orson Welles, David Carradine ou Amanda Lear.
• Le film est prévu pour durer 14 heures et Jodorowsky fait créer absolument tous les plans par le dessinateur Mœbius, connu pour sa rapidité d'exécution. Un “storyboard” est mis au point qui contient tout le travail de ce dernier.

Après des mois de préparation, le projet tombe à l'eau, il leur est impossible de récolter le budget nécessaire.

Néanmoins, Dune reste comme un immense labo de recherches, dont les travaux préparatoires se sont retrouvés ailleurs. David Lynch tournera sa version (ratée) de Dune en 1984, mais surtout l'imaginaire de Jodorowsky va ensemencer tout un pan du cinéma de science-fiction, notamment Star Wars, Blade Runner ou Alien.

Comme quoi… il n’y a pas que le chiffre d’affaires qui compte !

Beau week-end et belles lectures,

Alexandre Dana

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